Plus qu’un témoignage, « Le Lambeau « , est une œuvre littéraire, d’une puissance, d’une beauté rare. Le plus captivant, le plus passionnant, lu depuis très longtemps.
Le journaliste, écrivain et chroniqueur Philippe LANÇON est à CHARLIE HEBDO ce mercredi 7 Janvier 2015 : « J’allais partir quand les tueurs sont entrés . »
« J’ai ouvert un œil et vu apparaître sous la table, de l’autre côté, près du corps de Bernard, deux jambes noires et un bout de fusil … »
« Les morts se tenaient presque par la main. »
Les tueurs aux jambes noires, avec leur haine, leur bêtise, leur ignorance et leurs armes de guerre dans un pays en paix vont commettre le massacre de la rédaction d’un journal épris de liberté et du goût de la manifester.
» L’horrible silence où j’étais allongé au milieu des mes compagnons morts, Bernard Maris le plus proche. »
Car Philippe LANÇON va revenir d’entre les morts, grièvement blessé à la mâchoire et au bras, blessé de guerre dans un pays en paix sa vie bascule dans les souffrances, les soins, les opérations de reconstruction la vie réduite à la chambre d’hôpital.
17 opérations, toujours accompagné d’un livre, d’une cantate de Bach : il convoque à son chevet tout d’abord. Ceux qu’il aime, puis tous les grands auteurs : Proust en tête, aussi Baudelaire, Kafka il ne se passe pas une anesthésie sans un livre. Il met tout en œuvre c’est le mot juste pour survivre avec en tête seulement la beauté, la poésie et l’intelligence des grands auteurs qu’il aime.
Son chirurgien est une jeune femme au joli prénom de Chloé, celui d’une héroïne d’un roman de Boris Vian mais ici c’est celle qui greffe après greffe lui refait une mâchoire : avec un « lambeau » de sa propre peau.
Et j’ai pensé tout au long de cette intense lecture à quelques mots d’Aragon : « Je peux me consumer de tout l’enfer du monde. Jamais je ne perdrai cet émerveillement du langage. Jamais je ne me réveillerai d’entre les mots »
Suzette S
Philippe LANCON
Gallimard – 04/2018