Heinrich Gerlach
08/2017 – Anne Carrière
Parce que la compréhension de ce qu’est une guerre ne peut se résumer aux estimations du nombre de morts sur les champs de bataille, le livre de Heinrich Gerlach nous plonge au cœur de l’enfer du « chaudron » de Stalingrad, à hauteur d’homme, au milieu de son absurdité, du froid et de la faim qui font autant mourir que les obus et les balles. Être enrôlés fantassins alors que l’on est chauffeur, convoyeur de munitions, boulanger ou à moitié mort de faim qu’importe ? La folie meurtrière d’Hitler est ici décrite par un homme officier allemand prisonnier des Soviétiques. Écrit en détention, Éclairs lointains est un roman miraculé puisqu’il a été confisqué par les services secrets soviétiques en 1949, retrouvé 70 ans plus tard.
Heinrich Gerlach s’est servi de son vécu à Stalingrad pour écrire ce roman, mais également de ce qu’il a appris des survivants – soldats, officiers et généraux – au cours de ses trois années de captivité. Rien n’a été inventé, tous les faits se sont produits à un certain moment…
[…] On n’allait quand même pas faire un drame de la moindre engelure… Tous des tire-au-flanc.. il fallait se montrer dur, impitoyable.. Ne pas oublier que nous étions avant tout des officiers, que nous devions garder présents à l’esprit les intérêts du commandement. L’armée avait besoin de tous les hommes encore en état de porter un fusil.. Voilà ce qu’il en est mon cher ! On se contrefout du type qui a mal, qui a faim, qui a froid. Le seul qui nous intéresse, c’est celui qui peut tirer. Vous avez de la chance, pasteur, tout ce que vous avez à faire, c’est les aider à mourir. Moi, je dois les engueuler pour qu’ils continuent à vivre. La seule chose que l’on attend encore de moi, c’est que je guérisse les malades en les injuriant ! Vous croyez que je peux encore me permettre d’avoir un cœur, des sentiments, de la pitié ? Votre Dieu, peut-être, qui nous laisse crever ici ? […]
Par sa lucidité, ce texte est un grand roman antimilitariste, dont on ne sort pas indemne.
Albane